Entre traditions et consommation, mon coeur balance !

Quand j’étais jeune, une gourmandise incontournable des Fêtes était la tarte aux cerises. Aussi étonnant que ça puisse être, elle DEVAIT se retrouver sur la table des desserts, parmi l’indispensable bûche, les décadents sucres à la crème et les macarons à la noix de coco, en plus des sablés au beurre, des deux choix de crème glacée, de la tarte au sucre…  Après un plat de résistance tout aussi chargé, ça faisait beaucoup de desserts.

Trop, peut-être ?

“Ça arrive rien qu’une fois par année !”

Mais n’est-il pas là, l’esprit des Fêtes ? L’abondance, les saveurs riches, les plats réconfortants et d’exception… Tout ce qu’on se permet sans trop réfléchir parce que “ça arrive rien qu’une fois par année” ?

En vrai, cette abondance est moins scintillante que les emballages dont on l’habille; l’organisme Zero Waste Canada nous informait en 2017 que la quantité de déchets toutes catégories confondues augmentait de 25 à 45% juste avant et pendant la période des Fêtes. 

Cela inclut évidemment les biens de consommations destinés à être offerts en cadeaux, mais aussi les restes de nos menus festifs que l’on a parfois du mal à valoriser dans les jours qui suivent; il faut dire que la “meal prep” et les missions “vide-frigo” ne sont pas les activités les plus populaires en cet ultime congé de routine que sont, pour bien des gens, les vacances des Fêtes. 

Soyons honnêtes, qui se cuisine un pad thaï le lendemain de Noël pour sauver les restes de la traditionnelle couronne de crevettes ?

“Mais c’est la tradition !”

Les traditions sont un sujet délicat, car elles sont plus que de simples habitudes; elles sont un héritage généralement rempli de souvenirs heureux, de promesses de bons moments et s’ancrent dans la continuité. En gros, c’est rassurant, et c’est parfait ainsi ! Avoir ce rendez-vous annuel avec les rituels est tout à fait sain et même nécessaire. Il est d’ailleurs intéressant de se rappeler d’où nous arrivent certaines de ces pratiques et pourquoi elles ont pris racine dans nos demeures… et surtout comment elles ont évolué ! 

En effet, loin d’être immuables, les traditions se voient constamment bousculées, revisitées, revitalisées et adaptées au gré de nombreux facteurs. Parmi ceux-là, on peut compter l’industrialisation et l’influence de la publicité, qui n’ont cessé de modeler nos mœurs (pour le meilleur et pour le pire…) depuis la fin du 19e siècle. C’est ainsi qu’au fil des modes, de la modernisation et des divers contextes socio-historiques (guerres, changements démographiques, fluctuations économiques, etc), certains aliments et denrées ont été propulsés à l’avant-scène, mis en vedettes dans les recettes, tandis que d’autres se sont éclipsés des tablettes pour ne jamais revenir. 

Là où le bât blesse, c’est lorsqu’on utilise le caractère “quasi-sacré” de certains plats que l’on dit traditionnels pour justifier une part de gaspillage, et ce, la plupart du temps involontairement ! Qu’il s’agisse d’un restant de cet ingrédient secret et très (trop) précis qu’on a dû acheter pour cuisiner la recette de pain-sandwich de 1943 de tante Gertrude, ou la pinte de lait de poule qui goûte davantage la nostalgie que la magie une fois Noël passé, c’est en voulant parfois bien faire que nous attend au détour le fameux gaspillage.

“Alors on fait quoi ?”

Le gaspillage alimentaire est rarement intentionnel. La bonne nouvelle, c’est qu’il peut facilement être évité, si tant est que l’on accepte de questionner en toute honnêteté certaines habitudes.

Commencer par simplement mieux évaluer les quantités de nourriture nécessaires aux festivités est déjà un très bon premier pas ! En sachant que Simon et Simone ne viennent pas avec leurs enfants-chums-blondes cette année, peut-être qu’on pourrait laisser faire l’entrée de feuilletés ? Comme ça on n’aura pas à trouver quoi faire avec les restants de farce, merci, bonsoir !

Ensuite, si le nombre de convives reste incertain jusqu’à la dernière minute, une planification plus flexible s’impose. Dans ce cas, on peut sélectionner judicieusement (et même adapter) des recettes composées d’ingrédients dont on saura utiliser les restants. Ainsi, on évite les fonds de bouteilles qui traîneront dans notre cuisine jusqu’à ce qu’on se tanne et les jette, ou, pour les moins périssables (et les plus patient.es d’entre nous!), jusqu’à Noël prochain ! 

Enfin, il ne faut pas oublier que la plupart des traditions se sont créées en tenant compte des moyens du bord. Les résultats pouvaient donc varier selon les ingrédients disponibles, la plupart du temps de saison, ou encore dont on avait la possibilité de faire des réserves. Le Québec regorge de petits fruits savoureux en saison estivale, pourquoi ne pas en profiter pour en congeler et en ressortir le moment venu pour en cuisiner une délicieuse tarte (au lieu de la tarte aux cerises en canne, par exemple…) ? 

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Chaque foyer se fait le cadeau de perpétuer les traditions qui l’animent et lui ressemblent, année après année. Sans tout condamner ni pointer du doigt (et surtout pas jeter à la poubelle!), bon nombre de petits gestes peuvent nous permettre de célébrer ces moments tout en se gardant bien d’inviter le gaspillage alimentaire à nos partys cette année ! Bons préparatifs ! 

 

Marie-Pier Ethier, collaboratrice, 05 décembre 2023

 

→ Si vous avez le goût de sauver les crevettes de la couronne (blague à part !), voici des trucs de notre chef Guillaume Cantin pour réutiliser des restes de Noël : https://www.ledevoir.com/plaisirs/alimentation/516013/petit-abecedaire-antigaspillage-alimentaire-du-temps-des-fetes 

→ Pour pousser plus loin la réflexion sur un temps des Fêtes plus écologique, consultez le guide Zero Waste Christmas, conçu par Zero Waste Canada (rédigé en anglais). https://zerowastecanada.cdn.prismic.io/zerowastecanada/b8e24cb2-634c-4c28-8fa7-5adaab50e12d_Zero-Waste-Christmas.pdf